Un soldat pour la vérité:
hommage à Emmanuel Ratier, 1957–2015

Emmanuel Ratier (on the left) with Paul-Éric Blanrue, who authored books and documentaries on Jewish power and revisionism. [1]

Emmanuel Ratier (on the left) with Paul-Éric Blanrue, who authored books and documentaries on Jewish power and revisionism.

1,138 words

English version here [2]

Nul n’est prophète en son pays, dit-on.

Dans le monde anglophone, le nom d’Emmanuel Ratier est globalement inconnu. La version anglophone de Wikipédia n’a pas d’article à son nom. Tout juste trouve-t-on une mention d’un de ses livres dans la bibliographie d’un article sur un club de la haute société, Le Siècle [3]. En France, le pays qui l’a vu naître et qu’il a toujours eu au cœur, Emmanuel Ratier est resté presque toute sa vie  nconnu du grand public. Son nom n’a fait surface que récemment grâce à une biographie qu’il a écrite sur le premier ministre Manuel Valls (http://www.vraivisagemanuelvalls.com/ [4]).

Riche en informations, très dense, Le vrai visage de Manuel Valls montre (entre autres) comment, à l’âge de seulement dix-huit ans, ce futur politicien a conclu une alliance avec deux autres jeunes hommes très ambitieux – deux hommes qui, eux aussi, tiennent aujourd’hui des positions de responsables. La biographie montre aussi, preuves à l’appui, comment le carriériste Valls a soutenu la cause palestinienne pendant vingt ans avant de retourner sa veste en faveur d’Israël et de la communauté juive. Un choix, semble-t-il, obligatoire pour monter l’échelle sociale jusqu’au poste que Valls occupe aujourd’hui. Le vrai visage de Manuel Valls a percé en tête des ventes sur Amazon France, au point de se vendre davantage que l’autobiographie officielle de Valls, et cela en dépit d’une absence totale de couverture médiatique officielle pour le premier livre.

Emmanuel Ratier n’était pas un prophète. A ma connaissance, il ne s’est jamais aventuré à prédire le futur. Pour autant, il était ce qu’on peut appeler un initié. Au fil des années, il est devenu très bien informé et est devenu un journaliste d’investigation de très haut niveau.

Dans une telle situation, plus d’un serait passé au machiavélisme. Par la situation d’initié qu’il a su obtenir, monsieur Ratier aurait pu trahir son engagement nationaliste de jeunesse – entamé dans les années 70 – en échange d’une place confortable dans la droite officielle. D’autres nationalistes de jeunesse l’ont déjà fait. Emmanuel Ratier, lui, a choisi de se vouer à la vérité. Il ne s’est pas vendu pour une carrière au sein du système, ni pour l’argent, ni même pour un quelconque statut social. A tout cela, il a préféré la vérité. Un choix auquel il s’est toujours tenu.

Bien que le grand public n’ait découvert son nom que récemment, par la biographie de Valls, le travail d’Emmanuel Ratier avait déjà été remarqué chez les initiés très au-delà de la droite. En 1996, ce journaliste d’investigation déjà connu a lancé Faits et documents, une lettre de douze pages à parution bimensuelle. Présentée comme une « lettre d’information confidentielle », Faits et documents publiait des portraits de personnalités importantes, certaines célèbres et d’autres plus discrètes, ainsi que beaucoup d’informations à propos de ce qui se passait dans les coulisses de la franc-maçonnerie et d’autres réseaux de pouvoir.

Faits et documents était remarquable pour la haute densité d’informations et le haut niveau de détail qu’il développait dans ses douze pages. Pour être honnête, je n’ai jamais vu une telle qualité dans le moindre média officiel. En dépit de la présentation dite officielle, la lettre de monsieur Ratier était accessible à toute personne intéressée : si vous vouliez y jeter un œil, il vous suffisait de connaître l’existence de F&D – et d’être capable de digérer l’information nue et détaillée donnée à l’intérieur – pour le recevoir deux fois par mois.

Un travail d’investigation poussé, beaucoup d’informations données avec clarté, une qualité durable : telles étaient les marques des travaux d’Emmanuel Ratier. Un jour, il a témoigné de ce que le Ministère de l’Intérieur était abonné à F&D et, ne recevant qu’un seul numéro de la lettre, la photocopiait à au moins douze exemplaires – en toute illégalité – afin que plusieurs fonctionnaires de haut niveau puissent la parcourir.

Au-delà de Faits et documents, Emmanuel Ratier a écrit des livres remarquables : une Encyclopédie de la vie politique française en deux volumes (1992-2005) ; une Encyclopédie des pseudonymes en deux volumes (1993-4), poursuivie par une Encyclopédie des changements de nom (1995-8), toujours en deux volumes ; un livre sur Ras l’Front, groupe « antifasciste » trotskiste dont monsieur Ratier montre les accointances avec des réseaux de pouvoir (1998) ; un livre très complet sur le club d’élite confidentiel Le Siècle (1996-2015) et bien d’autres travaux. Tous sont d’une qualité remarquable. Bien qu’Emmanuel Ratier ait été lu et surveillé en très haut lieu, il n’a quasiment jamais rétracté quoi que ce soit de ses très nombreux écrits. De hautes personnalités du système, qui méprisent le nationalisme et « l’extrême droite » en général, le considèrent comme une source d’informations fiable.

Les nombreux liens d’Emmanuel Ratier ne l’ont pas empêché de garder Faits et documents sous sa responsabilité exclusive. Ce choix, si c’en est un, l’a conduit à rester plus seul qu’il aurait dû. Ses vingt dernières années de vie l’ont été sans aucune longue vacance. Des semaines de travail de sept jours, des recherches se prolongeant jusque tard dans la nuit, lui ont permis de publier avec le rythme et la qualité qu’on lui connaît, mais ont certainement joué un rôle dans l’accident cardiaque qui l’a frappé il y a quelques années. Par chance, Emmanuel Ratier n’a eu qu’un bref séjour à l’hôpital, et un mois après il était de retour à son bureau, rédigeant sa lettre et mettant à jour son livre sur Le Siècle au même rythme qu’avant. Ses travaux ont montré des aptitudes intactes et une motivation renouvelée, soit quelque chose de remarquable chez un homme de plus de cinquante ans.

Hélas, il semble que notre auteur ait quelque peu tiré sur la corde. Fin 2014, il faisait état de nouveaux problèmes de santé. Plus tard, le 19 août 2015, un autre accident cardiaque l’a pris. Et celui-là l’a emporté pour de bon. Une fin similaire à celle d’un autre auteur prolifique, Honoré de Balzac, qui buvait chaque jour des dizaines de cafés et a payé son œuvre d’une fin précoce.

Emmanuel Ratier était un soldat pour la vérité. C’est avec une égale attention qu’il a scruté le beau et le laid, rapportant fidèlement une information détaillée, reconstruisant des profils exacts de personnalités qui auraient préféré garder les détails de leur vie sous le tapis. Il était un soldat que personne n’a appelé, et qui pourtant a toujours répondu présent. Son dévouement l’a conduit à être lu par des ennemis objectifs de notre cause, quelque chose dont il était tout à fait conscient, et qui ne l’a pas empêché de servir la cause de la vérité encore et encore.

Reposez en paix, monsieur Ratier. Nous entretiendrons votre mémoire et saurons nous souvenir de tout ce que vous nous avez donné. Que dix fins limiers se lèvent et poursuivent votre œuvre.