Comment naquit le Dieu Tout-puissant: Le Pharaon Akhenaton inventa l’idée. Apprenez pourquoi son peuple le détruisit.  

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akhenaton-et-nefertiti [1]Une dame adorable nommée Savitri Devi écrivit une série de livres charmants sur celui qu’elle pensait être le plus grand homme que le monde ait connu : Akhenaton, le fameux pharaon hérétique de l’ancienne Egypte, qui introduisit le concept de monothéisme dans le monde. Mais Akhenaton laissa son empire s’effriter et mourir, et disparut dans la poussière en laissant cet unique accomplissement conceptuel indéracinable pour que son nom reste vivant pendant trois mille ans – l’invention du dieu unique au-dessus de tout. 

L’homme qui inventa la psychologie, Sigmund Freud, avait une si haute opinion d’Akhenaton qu’il fit de son mieux pour attribuer la religion hébraïque aux préceptes de cet étrange pharaon, discutant chapitre après chapitre de la manière dont Moïse aurait pu être influencé par l’idée d’Akhenaton selon laquelle le Soleil était la source de tout et que tous ces autres dieux n’étaient tout simplement pas de la même magnitude englobante. Mais dans son dernier livre, Moïse et le monothéisme (1939), Freud ne parvint pas à faire le lien d’une manière convaincante, et dut en rester aux hypothèses parce que l’égyptologie n’était pas assez avancée à son époque ; de plus, il ne vécut pas assez longtemps pour apprendre que l’Ancien Testament était une fiction maladroite d’auteurs fabriquant une tradition à partir d’idées empruntées à d’autres cultures.

Aujourd’hui (2002) l’égyptologue de l’Université de Princeton, Donald B. Redford, est en train de pulvériser l’idée selon laquelle tout dans l’Ancien Testament serait réalité historique, et dit que l’Exode était en réalité une version déformée de l’expulsion des envahisseurs hyksos, et que les événements présentés dans l’Ancien Testament eurent lieu en réalité des siècles plus tard. La tentative de Freud pour relier Akhenaton et Moïse échoua donc non seulement ponctuellement mais aussi dans son intention, puisque le dieu Aton d’Akhenaton était le donateur du cadeau de la vie à l’humanité, alors que le Yahvé dictatorial de Moïse – ou Jahvé, comme Freud l’appelait – était un dieu volcanique et violent plus intéressé à garder ses ouailles dans la crainte et la soumission qu’à les aimer –, ou disons plus intéressé aux profits qu’à la promesse.

Mais juste quand nous pensions que nous avions tout compris, un vieux livre surgit des étagères, un chef d’œuvre troublant – le livre d’Emmanuel Velikovsky, Oedipus and Akhnaton (1960) – et d’un coup nous avons une concordance soudaine et troublante … que l’inventeur d’un système religieux qui s’est emparé de la plus grande partie du monde connu … se révèle avoir été un monstre difforme qui méritait la haine de son propre peuple pour avoir violé le plus vieux tabou du monde. Et c’était une haine qui cherchait, après qu’Akhenaton ait été déposé par dégoût – à définitivement effacer son nom de l’histoire, et c’est pourquoi la plupart de ses monuments n’existent plus.

Et pourtant, d’une manière ou d’une autre, alors que le vent du temps souffle des nuages de poussière sur les récits importants de l’histoire, la partie d’Akhenaton qui voyagea trois mille ans dans le futur – sûrement l’idée inchangée et durable la plus longue de l’histoire – fut son insistance obstinée que le Soleil était le Seul Vrai Dieu nous enveloppant dans Ses rayons donneurs de vie. Ce fut l’origine même du monothéisme ; sur ce point, tous les experts s’accordent. L’auteure romantique Savitri Devi porta son message pacifiste à des extrémités rhapsodiques dans une brochure intitulée Akhenaton’s Eternal Message: A scientific religion 3300 years old [Le message éternel d’Akhenaton : une religion scientifique vieille de 3.300 ans], où elle écrivit :

« Le trait principal du caractère d’Akhenaton est une véracité intransigeante, une sincérité parfaite, alliées au rare courage de s’attacher à ce qu’il considérait comme juste, même au prix de ses intérêts les plus élevés. On a dit qu’à ses yeux ‘ce qui est, est juste’ et on ne saurait mieux dire, à condition de comprendre la pleine signification de la phrase. ‘Ce qui est’, ici, signifie ce qui est réel, au sens religieux de ce qui ne dépend pas des fantaisies ou des intérêts des hommes, de ce qui est en cohérence avec l’ordre éternel de l’Univers, avec les lois de la vie qui sont les lois de Dieu. Et la loi de Dieu, d’après l’enseignement d’Akhenaton, est l’amour. »

« D’après ce que nous savons d’elle par les magnifiques vestiges … et par les inscriptions, la vie privée d’Akhenaton, même jugée du point de vue de la moralité la plus pure, était sans tache. Ce n’était pas la vie d’un ascète, conscient du pouvoir du péché au milieu de sa renonciation à celui-ci, mais celle d’un homme qui, par nature, semble n’avoir eu aucune tendance à l’excès ou à la perversion et, en même temps, aucun préjugé contre les plaisirs innocents de la vie. » http://www.savitridevi.org/works.html [2]

Ainsi parlaient les perceptions d’une vraie croyante, promoteur éloquent de la divinité, qui se saisit d’un fragment de l’histoire et le transforma en un magnifique bouquet. Dans notre bonheur, nous oublions souvent que la vision d’un vrai croyant, aussi magnifique qu’elle puisse être, ne fait jamais que mettre du sucre-glace sur un gâteau qui a inévitablement un goût entièrement différent.

L’intérêt de Freud pour Akhenaton avait un dessein similaire – lier le concept de monothéisme à ce pharaon éloquent pour fournir un semblant de légitimité historique à une religion juive qui autrement n’en avait aucune.

Mais la tradition juive de l’Exode avait été prouvée comme impossible. Aucune preuve archéologique n’a jamais été trouvée de cette tradition ou de l’ancien Israël au Xe siècle avant J.-C. et plus tôt, parce qu’elle n’existait pas, bien que l’Ancien Testament insiste très clairement pour dire qu’elle existait. Et le récit de Manéthon (IIIe siècle av. J.-C.) sur les Rois Bergers tyranniques qui prirent le contrôle de l’Egypte pendant quatre générations raconte une histoire très différente sur la peste et la guerre que les Hyksos (plus tard les Phéniciens et encore plus tard les Juifs) apportèrent dans ce pays avant d’en être chassés. Manéthon les appelait « les lépreux », bien que cela aurait pu être simplement parce que leurs idées étaient radicalement différentes des indigènes égyptiens. Ce sont les figures familières de l’Ancien Testament dont Manéthon est en fait en train de parler.

Dans Moïse et le Monothéisme, Freud fait tout pour ne pas reconnaître qu’il n’y avait pas de connexion directe entre le Moïse de l’Exode et ce que les Juifs finirent plus tard par appeler leur religion mosaïque, remarquant que des gouffres de plusieurs siècles avaient passé quand les Hébreux adoraient des dieux régionaux jusqu’à ce que la légende de Moïse soit ressuscitée à une période ultérieure dans une tentative de donner à une religion juive monothéiste son apparente crédibilité.

Etant un scientifique qualifié plutôt qu’un prosélyte de sa propre discipline scientifique comme Freud, le Professeur Redford souleva une question intéressante dans sa volumineuse maîtrise de la littérature antique, impliquant qu’Akhenaton était une figure prouvable de l’histoire, alors que le cas de Moïse n’est pas aussi solide. Il écrit :

« Il est difficile dans l’état actuel de notre connaissance de parvenir à une décision dans cette question. On ne peut pas se débarrasser de la consternation accompagnant la compréhension que notre récit long et détaillé sur Moïse, dans tous ses rôles, est tardif (dans l’histoire) … et que, bien que la figure de ce chef charismatique pourrait bien avoir été le centre d’une légende bien antérieure, pour nous ce stade antérieur dans la formulation de la tradition est lettre morte. De plus, on ne peut s’empêcher de percevoir dans toute la tradition mosaïque, telle que nous la connaissons aujourd’hui, un fil conducteur permanent, qui n’est là que pour l’épate. … Tout cela peut sembler très distrayant ; mais c’est de l’artifice littéraire, pas de l’histoire. L’auteur brode sur une tradition mosaïque primordiale qu’il ne nous laisse pas voir. L’immense majorité des ‘faits’ qu’il nous donne sur Moïse est manifestement tardive, et sans intérêt pour la tâche de découvrir la base historique du ‘héros’ d’origine. »

En d’autres mots, Redford conclut que le personnage historique même de Moïse était un artifice fictionnel créé des siècles après qu’il ait supposément existé et traversé la Mer Rouge, emmenant ses frères juifs opprimés pour fuir la colère du méchant pharaon.

Redford continue en racontant la version égyptienne de l’histoire connue dans le livre biblique sous le nom d’Exode – l’Aegypticus de Manéthon, écrite au IIIe siècle avant J.-C.

« L’usage des termes grecs ‘lépreux’ et ‘impurs’ suggère un péjoratif dans l’égyptien originel (ou démotique) qui dans la propagande pharaonique était généralement attachée à des éléments antisociaux indésirables, qu’ils soient indigènes ou étrangers. Dans le cas présent il semble clair que les dévots du culte solaire d’Akhenaton sont la réalité historique sous-tendant les ‘lépreux’, et cela est confirmé par la nature iconoclaste de la législation des lépreux et le chiffre de treize ans pour l’occupation, qui correspond à la période d’occupation d’Amarna. » (Amarna étant la citadelle qu’Akhenaton fit construire pour lui-même et pour son dieu)

Aton, représenté par un disque solaire, était le seul vrai dieu, répéta Akhenaton pendant toute sa vie apparemment brève. Son choix de supprimer le système religieux existant en Egypte à une époque où la « Thèbes aux cent portes » était la ville la plus grande et la plus brillante du monde, inutile de le dire, lui valut quelques ennemis. Lorsqu’ils eurent délogé et disgracié Akhenaton, ces ennemis restaurèrent l’ancien système polythéiste.

Alors qu’il était enfant, probablement à cause de son apparence physique bizarre, Akhenaton fut envoyé vivre au loin chez les Mitanniens, une tribu résidant au-dessus de l’Euphrate dans ce qui est aujourd’hui l’Irak du nord-ouest. Son père, Amenhotep II, avait poursuivi l’expansion de l’empire égyptien jusqu’à ses limites extrêmes avant de mourir. Un avertissement des devins du pharaon avait causé l’envoi au loin du jeune Akhenaton, et à son retour il accomplit la vengeance qu’il avait ruminée toute sa vie. Son choix fut d’étouffer le pays par l’amour et de devenir un pacifiste, apparemment.

Et c’est pourquoi l’Egypte perdit tous ses territoires étrangers.

La question fatale se pose de toute éternité : si Akhenaton inventa vraiment un aussi grand système religieux et fut qualifié par le grand égyptologue James Henry Breasted de « premier individu dans l’histoire humaine », pourquoi fut-il détruit par son propre peuple, et son souvenir effacé à jamais ?

La réponse fut trouvée dans la littérature classique de la Grèce antique par l’un des plus grands savants de tous les temps, Emmanuel Velikovsky, une superstar intellectuelle du milieu du XXe siècle qui est beaucoup plus connue pour avoir changé la manière dont la science voyait l’histoire de notre système solaire par ses livres révolutionnaires et stupéfiants Worlds in Collision [Mondes en collision], Ages in Chaos [Les Ages du Chaos], et Mankind in Amnesia [L’amnésie de l’humanité]. http://varchive.org/ [3]

Ancien collègue de Freud et d’Einstein, Velikovsky stupéfiait régulièrement le monde scientifique par ses affirmations radicales sur presque tout, et grâce à sa prodigieuse érudition il avait en fait très souvent raison. Dès ses premiers jours de lecture des plus grands dramaturges grecs, Velikovsky fut frappé par le fait qu’ils écrivirent presque tous des pièces sur Œdipe, le roi malchanceux qui tua son père par inadvertance, épousa sa mère sans le savoir, et qui, quand ces faits furent rendus publics, commença une odyssée de souffrances sans égale dans la littérature occidentale.

La fréquence de ces pièces conduisit Velikovsky à penser qu’elles décrivaient toutes un événement historique authentique, et ses recherches ultérieures déterrèrent une énorme quantité de faits allant dans ce sens.

Un voyant aveugle avertit le roi que son fils  est un danger pour lui et qu’il doit être tué ou envoyé au loin. Les parents aimants l’envoient au loin. Dans la plus célèbre tragédie grecque de Sophocle, de nombreuses années plus tard un Œdipe devenu adulte rencontre son père sur le chemin et, ignorant qui il est, se querelle avec lui et le tue. Là-dessus, il s’empare du royaume de son père, épouse la femme de ce dernier et engendre de nombreux enfants avec elle avant d’apprendre l’affreux secret et ses conséquences accidentelles.

Sur les rives du Nil, des siècles plus tôt, les choses se passèrent un peu différemment. Akhenaton naquit fils de roi, mais déformé, avec des cuisses énormes et une tête en forme de ballon de football. Un voyant aveugle dit à son père que son fils représente un danger, et celui-ci est envoyé dans un pays étranger, et on n’entend plus parler de lui. Quand son père meurt, Akhenaton est rappelé pour devenir le nouveau pharaon.

Akhenaton fait construire une nouvelle ville, aujourd’hui connue sous le nom de Tell-el-Amarna (son nom archéologique), sa belle épouse Néfertiti lui donne de superbes filles, et il semble beaucoup se promener nu, à en juger par les peintures murales où il est représenté. Durant tout ce temps, le véritable pouvoir dirigeant l’Egypte fut sa mère, la reine Tiyi, veuve d’Amenhotep II, qui rappela son fils d’exil et resta avec lui le restant de ses jours.

Akhenaton supprime la religion existante de l’Egypte, mécontentant de nombreux prêtres et nobles puissants. Pire, Akhenaton néglige tous ses engagements étrangers, et abandonne ses alliés. L’empire commence à tomber en morceaux.

A un certain moment de cette histoire, Akhenaton se débarrasse de sa belle épouse Néfertiti. On n’entendra plus jamais parler d’elle. Puis vient le coup de grâce, suivi par le verdict éternel de l’histoire.

Akhenaton engendre un enfant avec sa mère, et tente ensuite de délégitimer ses autres enfants en faveur du nouveau-né favori.

Je crois – et Velikovsky le croyait aussi – que c’est à ce moment que l’élite égyptienne se révolta et l’envoya en enfer pour avoir donné un spectacle aussi perverti. L’empire égyptien survécu pendant un certain temps mais ne retrouva jamais l’ancienne vitalité qui l’avait guidé pendant deux mille ans, et cela se passa il y a trois mille ans.

Nous avons donc ici le tournant de l’histoire : une idée de l’un des esprits les plus dérangés qu’ait connus la planète a duré trois mille ans et domine aujourd’hui la plupart des aspects de nos vies, si l’on souscrit à l’idée que ce que nous croyons est ce que nous faisons réellement, et que la plupart des gens disent qu’ils croient en un seul dieu, et tentent d’adhérer aux principes des gens qui prétendent être ses représentants parmi nous, n’est-ce pas ?

Donc il est maintenant temps, avec la perspective de tous ces siècles, de nous demander à quel moment cette croyance en un seul dieu s’est emparée de nous.

Aux époques que nous avons évoquées plus haut, les dieux étaient comme des nationalités – chaque pays avait un dieu différent. Mais comme le dit Velikovsky, Zeus, Jupiter, Mardouk, Baal et Shiva étaient tous essentiellement le même dieu, mais dans des langues différentes. Un seul peuple n’avait pas de connexion divine évidente, et c’était les Phéniciens, les habiles  commerçants qui restent à peu près invisibles dans les livres d’histoire, mais qui nous donnèrent notre alphabet et qui en 300 avant J.-C. contrôlaient une route de l’étain entre l’Egypte et l’Angleterre, entre autres choses.

En fait, le concept du dieu unique ne l’emporta jamais sur le concept du dieu local avant l’apparition du christianisme, qui envoya ses missions dans le monde entier. Mais à ce moment tout le monde avait oublié que l’idée originelle était venue d’un pharaon renégat et maudit qui changea le cours de l’histoire.

Et le très respecté professeur Redford tira une conclusion mordante de ses efforts de recherche sur l’Exode, Moïse et les questions associées.

« L’ironie finale réside dans le curieux usage dont la religion moderne fait du récit de l’Exode, en tant qu’histoire symbolique de la libération vis-à-vis de la tyrannie.

Une lecture honnête du récit de l’Exode et des Nombres ne peut que révéler que la tyrannie dont Israël fut libéré, c’est-à-dire celle de Pharaon, était en fait douce comparée à la tyrannie de Yahvé à laquelle ils étaient sur le point de se soumettre. En tant qu’histoire de liberté, l’Exode est déplaisante à l’extrême – je préfère de beaucoup l’histoire de Leonidas et de ses trois cent aux Thermopyles –, et à une époque où les hommes pensants sont prêts à former leur préjugé sur la base d’un précédent datant de 3.000 ans, il (le récit de l’Exode) est hautement dangereux. »

Bibliographie

Savitri Devi : http://www.savitridevi.org/works.html [2]

Donald Redford : http://www.mailstar.net/archaeology-bible.html [4]
(extraits reproduits avec l’autorisation du chercheur australien Peter Myers)

Sigmund Freud : Moses and Monotheism, 1939

Immanuel Velikovsky : Oedipus and Akhenaton, 1960

Ecrit le 1/1/11

John Kaminski est un auteur qui vit sur la Côte du Golfe de Floride.  http://johnkaminski.info/ [5]

Complément bibliographique

– Philippe Aziz, Moïse et Akhenaton (1980)

– Donald B. Redford, Akhenaton: the Heretic King (1984)

– Jan Assmann, Moses the Egyptian (1996) (Trad. fr.: Moïse l’Egyptien, 2003)

– Messod et Roger Sabbah, Les secrets de l’Exode (2000)

– Gérard Huber, Akhenaton sur le divan (2001)