Sur l’histoire des idées de la nouvelle droite en Australie

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English original here [2]

Si les Australiens discutent et débâtent aujourd’hui ces idées généralement définies comme celles de « La Nouvelle Droite Européenne », il est bien fondé de se demander quelle est l’histoire de l’idéologie de la Nouvelle Droite en Australie ? 

En fait, il s’agit d’une histoire aussi longue qu’imprégnée, avec des tentatives utiles à l’adaptation. C’est également une histoire généralement inconnue bien que certains des figures fondatrices de l’école de pensée de la Nouvelle Droite soient encore parmi nous. Dans ce bref aperçu, je partirai du principe que le lecteur est familier avec les orientations de la Nouvelle Droite et ne nécessite pas de plus amples éclaircissements. Dans le cas où l’auteur est mentionnée, j’emploierai mon nom à la troisième personne.

Une Nouvelle Droite « autochtone » pour l’Australie.

On sait que la Nouvelle Droite est une tendance intellectuelle initiée en France par Alain de Benoist en 1967. Elle s’est ensuite répandue de France aux autres pays Européens, un à un. Il existe une documentation suffisante, même en anglais , qui en fournit l’histoire essentielle.

Le corpus idéologique de la Nouvelle Droite n’a été que partiellement traduit en anglais. Ceci a souvent laissé un vide majeur et une tendance à se rabattre sur des théoriciens  et des textes plus anciens (même si cruciaux) de l’école intellectuelle allemande (et européenne) communément appelée Révolution Conservatrice. Toutefois, il y’a eu une tentative au fil du temps (et dernièrement de façon plus affirmée) de traduire les textes contemporains de la Nouvelle Droite en anglais. Un travail considérable a été fait depuis la seconde moitié des années 80 afin de fournir ces ressources indispensables et des interprétations locales de ces travaux  par des auteurs de langue anglaise, et ainsi donc en Australie.

Concernant les auteurs classiques, on peut se reporter à des noms tels que Oswald Spengler, Carl Schmitt, Julius Evola et Arthur Moeller vand den Bruck et bien d’autres encore devenant plus largement connus des nationalistes et des cercles anti libéral australiens. Nous ne pouvons toutefois pas affirmer qu’il en aille de même pour  les auteurs contemporains de la Nouvelle Droite en Australie.

La venue en Australie en 2007 de l’éminent théoricien de la Nouvelle Droite, le docteur Tomislav Sunic et la distribution de son livre Against Democracy and Equality : The European New Right, a été évidement très utile afin de fournir une histoire indispensable, en raccordant les « classiques de cette école de pensée avec les contributions de De Benoist et d’autres. Cet ouvrage mérite évidement une diffusion plus large.

Mais à quel moment cette tendance générale est-elle apparue en Australie ?

De façon intéressante, si nous préférons l’idée d’un parallélisme évolutionnaire, la Nouvelle Droite est apparue dans un formule locale.

La première « tentative » d’idéologie de Nouvelle Droite fut limitée et associée au pamphlétaire Australien bien connu, A.F Norwick (nommé ci après sous son nom de plume Alec Saunders). Saunders fonda, en 1975, un cercle basé à Sydney  – « The Indo European Cultural Renaissance Society » [1] (« un groupe apolitique » qui rejetait l’idée occidentale d’une civilisation Judéo-chrétienne comme supérieure à la civilisation classique ou à ses prédécesseurs Indo-Européens). Il créa le journal « The Fire Makesr » Ce fut une expérience de courte durée.

Saunders en parle en ces mots :

Le groupe distribuait The Fire Makers à beaucoup de gens. Malheureusement, nous recevions un certain nombre de réponses venant d’ « aspirants » néo-nazis qui associaient la défense de l’idéal Indo-Européen avec le fascisme allemand. Il n’y avait guère d’autre intérêt et trop peu d’entre nous pour soutenir le travail.

Le groupe fut dissous au bout de plusieurs mois.

L’intérêt du cercle de Saunder tient du fait qu’il émergea indépendamment et fricota avec les idées fondatrices de la Nouvelle Droite – Sa profession du mythe culturel Indo-Européen qui avance l’idée d’une identité culturelle pour les Européens en dehors du schéma de la civilisation chrétienne d’Occident.

Plus important encore pour cette discussion qu’il y figure des contributions australiennes directes, pas seulement contemporaines au système de la Nouvelle Droite mais aussi des figures de proue australiennes (Je ne dirais pas des « théoriciens » en tant que tels de l’école de la Révolution Conservatrice Européenne) de périodes plus antérieures, qui portent certains éléments de ses idées. Je pourrais dire que Wiliam Baylebridge et P.R Stephensen en font partie.

Une connexion est forgée.

En 1977-1979 et plutôt accidentellement, une source pour l’idéologie Nouvelle Droite fit surface. Au travers des activités de National Resistance/ Australian National Alliance plusieurs étudiants en universalité partageant ces centres d’intérêt furent recrutés.

En 1977, alors étudiant à l’université de Sydney, je faisais des recherches pour ma thèse de doctorat sur « l’extrême droite » (Sic) britannique. Lors de recherches parallèles, des contacts furent incidemment établis avec des participants français au « mouvement national-révolutionnaire » Ces personnes firent découvrir autant qu’elles purent aux milieux australiens le mouvement bourgeonnant de la Nouvelle Droite française. Bien que cela ait encouragé un intérêt pour les textes classiques, la discussion sur de nouveaux arguments était plus difficile compte-tenu des barrières de langage. Des informations découpées dans les journaux traitant de l’actualité ainsi que des articles de magazines continuèrent à arriver en Australie après 1977 et ils furent très utiles au développement d’une vue d’ensemble

Toutefois, si les australiens étaient attentifs aux arguments culturalistes de De Benoist dans le style et la méthode d’Antonio Gramsci, il était quand même nécessaire de contester les bases culturelles et idéologiques du libéralisme pour soutenir un model de changement politique.

Les principaux activistes australiens tels que F.K Salter and E.F Azzopardi ont évidement avancé  avec fermeté cet argument dans la période de 1977 à 1980.

Apres la fondation de National Action en 1982 qui concluait quelques années de réussites mitigées pour la mouvance nationaliste australienne, certains australiens allaient de nouveau s’intéresser à la Nouvelle Droite. Deux membres de ce parti visitèrent les bureaux de De Benoist a Paris début 1983 et revinrent avec des documents clé, des brochures et le magazine Eléments.  Ces écrits furent largement débattus.

Saunders prit contact avec des militants britannique de British Third Position[2], groupe The Rising en 1983 et Mickael Walkers éditeur du magazine The Scorpion. Ce dernier était sur une ligne Nouvelle Droite classique, il y publiait ses propres réflexions ainsi que les derniers développements concernant le mouvement Européen florissant. Saunders écrivit The Social Revolutionary Nature of Australian Nationalism qu’il distribua via National Action et d’autres groupes. Cette brochure se reposait sur des textes d’auteurs de la Révolution Conservatrice et de la Troisième Voie, avec des références et des interprétations spécifiques à l’Australie. Il était également fait référence à De Benoist et à l’école du GRECE.

En 1985, Eugene Donnini, un ancien de National Action, établit un lien avec le magazine The Scorpion, Donnini fonda un groupe militant à Perth, l’Australian Populist Movement ainsi que le magazine Stockade. Le groupe innovait avec un nationalisme « vert » tout en popularisant anti impérialisme de la Nouvelle Droite ainsi que sa critique du régime libéral américain. Malheureusement le groupe se sépara au bout d’un an. Les efforts de Donnini montrèrent la facilite de mélanger les thèmes de la Nouvelle Droite avec des organisations militantes de type Troisième Voie.

Le mariage fertile de l’idéologie Nouvelle Droite et des idées tercéristes  (aussi connues comme idéologie nationaliste révolutionnaire) est notable. Pourquoi ? Parce que plusieurs idées sont communes, bien sûr l’on pourrait affirmer comme le fait Roger Griffin (l’expert académique des théories du fascisme et du néofascisme) que les unes sont les filles de l’autre, rendant plus accessibles des notions plus complexes et développant un nouveaux discours plus attractif, je fais référence aux idées telles que l’anti impérialisme, l’ethno différencialiste (non raciste), la critique de l’américanisme an nationalisme écologiste etc, de telle façon que la Nouvelle Droite sert d’arsenal idéologique aux groupes militants et aux partis. Ce processus est visible au sein de grands partis du nationalisme européen comme le NPD ou le MSI.

Welf Herfurth, aujourd’hui éditeur du site Nouvelle Droite Australie/Nouvelle Zélande arrivé en Australie en 1987. Il était un jeune militant de Troisième Voie implique au sein du NPD en Allemagne. Herfurth conjuguait (et le fait encore aujourd’hui) les éléments de l’école Nouvelle Droite avec les idées de Troisième Voie. Herfurth aida à diffuser cette position au travers des membres de National Action et plus largement dans les années qui suivirent.

Quelle place pour l’idéologie de Nouvelle Droite en Australie ?

Je pose la question en termes de fonction politique. Il serait banal d’affirmer que la Nouvelle Droite constitue la base intellectuelle  de la contestation sérieuse de l’idéologie libérale, mondialiste et humaniste. Cependant comment peut-elle servir cette contestation ?

L’exemple communiste est un outil théorique utile pour décrypter la relation entre « L’idéologique » et le « politique ». Dans les premiers partis marxiste-léninistes, le matérialisme dialectique était la vérité idéologique centrale. Ainsi on peut être militant communiste sans avoir une compréhension particulière la philosophie de l’histoire des bouleversements sociaux révolutionnaires de Marx et son appréciation de la dynamique de la philosophie qui sous-tend ces changements, mais l’on ne peut pas être un chef du parti ou un théoricien du party sans être versé dans le matérialisme dialectique.

Et ainsi les communistes n’opéraient pas des partis de matérialisme dialectique mais des machines militantes. En d’autres mots, bien qu’ils aient épousé une philosophie, ils respectaient le diktat de Marx dans ses Thèses sur Feuerbach : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de diverses manières, il s’agit maintenant de le transformer. »

Quelle était donc la fonction du matérialisme dialectique ? C’était la colle, la raison, le mystère au centre d’un mécanisme matériel. Il liait la structure et était la base du reste de la construction politico-idéologique. En apportant des certitudes, il armait ses soldats pour la guerre.

Il est raisonnablement évident que ceux qui se sont intéressé à la Nouvelle Droite des années 70 jusqu’à très récemment, conjuguaient un engagement à ses idées de base et ses expressions courantes (assimilées au mieux) avec leurs engagements aux formes variées de politique de militants nationalistes.

On pourrait donc dire que l’idéologie Nouvelle Droite, que ce soit en termes de ses idées basiques de Révolution Conservatrice que son discours après 1967 ont servi de système de valeurs central, un mythe révélé fournissant la théorie de l’homme, de l’homme Indo-Européen, de l’histoire , de l’histoire culturel et du debat idéologique. Il s’agit maintenant de transformer le monde.

Et maintenant – Comme tendance

La Nouvelle Droite a eu une histoire brisée en Australie. Nous pouvons dire qu’après 1991 (l’éclipse de la branche principale de National Action), nous n’avons pas entendu grand-chose. Aucun autre groupe n’a exprime son intérêt pour la ND et nous étions revenus aux « individus »

La Nouvelle Droite a été ravivée dans le débat aux alentours de 2002. Je me laisse a penser que climat impérialiste va-t-en guerre, le matraquage des forces du Nouvel Ordre Mondial affirmant que la nouvelle phase du millénaire du marché était devant nous ont inspiré un retour aux principes antilibéral.

Un signe de ce renouveau a été la formation d’une organisation Nouvelle Droite. Ces deux dernières années la « New Right Australia/New Zealand » dirigée par Herfurth a proposé une synthèse des idées fondatrices de la Nouvelle Droite et des idées du  « nationalisme anarchiste » avancées par l’auteur et sympathisant de la Nouvelle Droite britannique, Troy Southgate. Cette synthèse n’a pas été adoptée comme une tendance dominante à l’international seulement parce que le procédé de synthèse suit son chemin, d’autres alternatives se présentent souvent. Nous voyons donc la Nouvelle Droite se combiner avec l’Eurasisme en Italie et avec l’école nationaliste révolutionnaire de Horst Mahler en Allemagne et sous d’autres formes ailleurs.  Toutefois, via le mécanisme local australien, l’idéologie de la Nouvelle Droite a généralement été diffusée, réveillant une nouvelle couche d’étudiants et de jeunes au pluriverse du débat idéologique. Ceci a été une initiative importante.

Le Sydney Forum qui a rassemblé plusieurs personnalités de la Nouvelle Droite et d’autres éléments du nationalisme australien (Herfurth et moi-même y sommes engages) a popularise le message de la Nouvelle Droite. C’est évidement le Sydney Forum qui a invite Tom Sunic en 2007.

Fondamentalement, la Nouvelle Droite est susceptible d’atteindre une diffusion plus profonde dans les dix prochaines années, les contacts avec les acteurs européens se renforcent et des textes sont écrits au niveau local. L’importance des auteurs locaux ne peut pas être sous-estimée. Les étudiants à l’université effectuant des travaux de troisième cycle peuvent être la clef de l’écriture de l’histoire australienne d’un point de vue révolutionnaire conservateur et en développant une critique de la banlieue australienne abandonnée, de la société bourgeoise et de l’etat. Le temps le dira. La Nouvelle Droite est une tendance et est surement le « noyau mythique » d’une vision du monde à n’importe quelle contestation au  l’état libéral mondialiste.

Notes

1. Groupe de renaissance indo-européens

2. Troisième Voie Britannique