Alexandre Dugin sur le « nationalisme blanc » et d’autres alliés potentiels dans la Révolution Globale

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English original here [2]

Note du Rédacteur  :

Le texte suivant a été compilé par John Morgan à partir de diverses déclarations informelles qu’Alexandre Dugin a postées sur sa page Facebook durant l’année précédente, concernant divers thèmes habituels. Le compilateur les a combinées et réorganisées pour tenter d’en faire un texte unique et cohérent, et a aussi quelque peu revu la formulation. 

Il y a des tendances différentes dans la nouvelle génération des mouvements révolutionnaires et non-conformistes en Europe (de droite comme de gauche), et certains d’entre eux ont réussi à atteindre des positions politiques élevées dans leurs pays respectifs. La crise de l’Occident va devenir chaque jour plus grande et plus profonde, et nous devrions donc nous attendre à un accroissement du pouvoir et de l’influence de notre propre mouvement de résistance eurasianiste contre l’actuel ordre mondial, qui est une dictature des pires éléments des sociétés occidentales.

Les gens de droite ou de gauche qui refusent l’hégémonie américaine, l’ultralibéralisme, l’atlantisme stratégique, la domination des élites financières oligarchiques et cosmopolites, l’anthropologie individualiste et l’idéologie des droits de l’homme, aussi bien que le racisme typiquement occidental dans tous les domaines – économique, culturel, éthique, moral, biologique, etc. – et qui sont prêts à coopérer avec les forces eurasiennes pour défendre la multipolarité, le pluralisme socio-économique et un dialogue entre les civilisations, nous les considérons comme des alliés et des amis.

Les gens de droite qui soutiennent les Etats-Unis, le racisme blanc contre le Tiers Monde, qui sont anti-socialistes et pro-libéraux, et qui sont prêts à collaborer avec les atlantistes ; ainsi que les gens de gauche qui attaquent la Tradition, les valeurs organiques de la religion et de la famille, et qui promeuvent d’autres types de déviations sociales – ceux-là sont tous dans le camp ennemi.

Pour triompher de notre ennemi commun, nous devons surmonter les vieilles haines entre nos peuples, ainsi que celles entre les idéologies politiques obsolètes qui nous divisent encore. Nous pourrons résoudre ces problèmes entre nous après notre victoire.

Pour l’instant, nous sommes TOUS menacés, et nous sommes TOUS dominés par les forces de l’ordre mondial actuel.

Avant de nous préoccuper de ces autres questions, nous devons d’abord nous libérer nous-mêmes.

Je suis très heureux que Gábor Vona, que j’ai rencontré, et qui est le dirigeant du parti Jobbik en Hongrie, comprenne cela parfaitement. Nous devons nous unir pour créer un Front Eurasien commun.

En Grèce, nos partenaires pourraient être les gauchistes de SYRIZA, qui refusent l’atlantisme, le libéralisme et la domination des forces de la finance mondiale. Autant que je sache, SYRIZA est anticapitaliste et est opposé à l’oligarchie mondiale qui s’en est pris à la Grèce et à Chypre. Le cas de SYRIZA est intéressant du fait de son attitude d’extrême-gauche vis-à-vis du système mondial libéral. C’est bon signe que de telles forces anticonformistes soient apparues sur la scène. Dimitris Konstakopulous écrit des articles excellents et je trouve son analyse stratégique très bonne et très profonde dans de nombreux cas.

Il y a aussi beaucoup d’autres groupes et mouvements avec lesquels nous pouvons travailler. Le cas d’Aube Dorée (Chrysi Avgi) est intéressant parce qu’il fait partie de la réapparition croissante (et de fait très excitante) des partis de droite radicale dans le paysage politique européen. Nous devons collaborer avec toutes les forces, de droite ou de gauche, qui partagent nos principes.

Le facteur le plus important ne doit pas être de savoir si ces groupes sont pro-russes ou non. Ce qui est le plus important ici, c’est ce à quoi ils s’opposent. L’ennemi de mon ennemi est mon ami. C’est simple et facile à comprendre. Si nous adoptons une telle attitude pour attirer tous les alliés possibles (qu’ils nous approuvent ou non), de plus en plus de gens viendront à nous, ne serait-ce que par pragmatisme. En faisant cela, nous créerons un véritable réseau efficace – une sorte d’Alliance Révolutionnaire Mondiale. Il est important que nous poursuivions une stratégie d’union de la gauche et de la droite, partout, y compris aux Etats-Unis. Nous devons sauver l’Amérique de sa propre dictature, qui est aussi mauvaise pour le peuple américain que pour tous les autres peuples.

La question d’un gouvernement limité ou illimité est, autant que je puisse voir, de moindre importance comparée à la géopolitique – cela dépend entièrement de la tradition historique de la nation en question. La possession des armes est une bonne chose quand les armes sont entre nos mains. Par conséquent, concernant leur utilité pour une plate-forme politique, ces deux points me paraissent absolument neutres par eux-mêmes. Une telle droite américaine peut être bonne ou mauvaise, cela dépend d’autres facteurs au-delà de ces deux points. Nous devons avoir un dialogue avec ceux qui regardent plus profondément dans la nature des choses, dans l’histoire, et qui tentent de comprendre l’actuel ordre mondial.

Je considère les « Nationalistes Blancs » comme des alliés lorsqu’ils refusent la modernité, l’oligarchie mondiale et le capitalisme libéral, en d’autres mots tout ce qui est en train de détruire nos cultures et nos traditions ethniques. L’ordre politique moderne est essentiellement mondialiste et entièrement basé sur la primauté de l’identité individuelle, par opposition à la communauté. C’est le pire ordre qui ait jamais existé et il doit être totalement détruit. Quand les « Nationalistes Blancs » réaffirment la Tradition et l’ancienne culture des peuples européens, ils ont raison. Mais quand ils attaquent les immigrants, les musulmans ou les nationalistes d’autres pays pour cause de conflits historiques ; ou quand ils défendent les Etats-Unis, l’atlantisme, le libéralisme ou la modernité ; ou quand ils considèrent la race blanche (celle qui a produit la modernité dans ses traits essentiels) comme la plus haute et les autres races comme inférieures, je suis en désaccord complet avec eux.

De plus, je ne peux pas défendre les Blancs lorsqu’ils s’opposent aux non-Blancs parce que, étant moi-même Blanc et Indo-Européen, je reconnais les différences entre les divers groupes ethniques comme une chose naturelle, et je ne crois à aucune hiérarchie entre les peuples, parce qu’il n’y a pas et il ne peut pas y avoir de mesure commune et universelle permettant de mesurer et de comparer des diverses formes de sociétés ethniques ou leurs systèmes de valeur. Je suis fier d’être Russe exactement comme les Américains, les Africains, les Arabes ou les Chinois sont fiers d’être ce qu’ils sont. C’est notre droit et notre dignité d’affirmer notre identité, non pas en nous opposant aux autres mais pour ce qu’elle est : sans ressentiment contre les autres et sans s’apitoyer sur nous-mêmes.

Je ne peux pas défendre le concept de nation, parce que l’idée de « nation » est un concept bourgeois concocté comme une partie de la modernité afin de détruire les sociétés (les empires) et les religions traditionnelles, et les remplacer par des pseudo-communautés artificielles basées sur la notion d’individualisme. Tout cela est erroné. Le concept de nation est maintenant en train d’être détruit par les mêmes forces qui l’ont créé, durant la première période de la modernité. Les nations ont déjà rempli leur mission de destruction de toute identité organique et spirituelle, et maintenant les capitalistes sont en train de liquider l’instrument qu’ils ont utilisé pour accomplir cela, en faveur de la mondialisation directe. Nous devons attaquer le capitalisme comme étant l’ennemi absolu qui fut responsable de la création de la nation comme un simulacre de société traditionnelle, et qui fut aussi responsable de sa destruction. Les raisons derrière la catastrophe actuelle sont profondément enfouies dans le fondement idéologique et philosophique du monde moderne. Au début, la modernité fut blanche et nationale ; pour finir, elle est devenue mondiale. Les Nationalistes Blancs doivent donc choisir leur camp : celui de la Tradition, qui inclut leur propre tradition indo-européenne, ou celui de la modernité. L’atlantisme, le libéralisme et l’individualisme sont tous des formes de mal absolu pour l’identité indo-européenne, puisqu’ils sont incompatibles avec celle-ci.

Dans sa recension de mon livre La Quatrième Théorie Politique, Michael O’Meara l’a critiqué [3] parce qu’il préfère défendre un retour aux possibilités non-réalisées de la Troisième Théorie Politique. Il est bon que des gens de divers camps présentent leurs réponses à la Quatrième Théorie Politique, mais ici ce sont des arguments typiquement racistes/antisémites de la Vieille Droite ou de la Troisième Voie qui sont utilisés. Cela n’est pas très profond, ni très creux. Je doute que nous puissions arriver à quelque chose en répétant simplement le programme de Yockey et d’autres. Cela trace la limite entre la Troisième Voie et la Quatrième Voie. En même temps, je considère Heidegger comme un précurseur de la Quatrième Théorie Politique, et il agissait et pensait dans le contexte de la Troisième Théorie Politique.

Concernant les « identitaires », je n’ai jamais cité de nom de Faye dans tous mes écrits – il n’est pas mauvais, mais pas bon non plus. Je considère Alain de Benoist comme quelqu’un de brillant – simplement le meilleur. Ces « identitaires » qui voient l’attitude positive envers l’Islam ou les Turcs comme un aspect négatif de la Quatrième Théorie Politique ont cette vision, je crois, en partie à cause des manipulations de forces mondialistes qui cherchent à diviser les forces révolutionnaires qui sont capables de menacer l’hégémonie atlantiste libérale-capitaliste.

Les musulmans forment une partie de la population russe, et sont une minorité importante. Par conséquent, l’islamophobie favorise implicitement la désagrégation de la Russie. Dans notre attitude envers l’islam, la différence entre l’Europe et la Russie est que pour nous [les Russes] les musulmans sont une partie organique de l’ensemble, alors que pour l’Europe ils sont une vague postcoloniale de nouveaux envahisseurs venant d’un espace géopolitique et culturel différent. Mais puisque nous avons un ennemi commun dans l’élite mondialiste, qui est pro-Pussy Riot et pro-Femen, pro-mariage gay, anti-Poutine, anti-Iran, anti-Chavez, anti-justice sociale, etc., nous devons tous développer une stratégie commune vis-à-vis des musulmans. Nos traditions sont très différentes, mais le monde anti-traditionnel qui nous attaque est uni, et nous devons donc nous unir aussi.

Si les « identitaires » aiment vraiment leur identité, ils devraient s’allier aux eurasianistes, aux cotés des traditionalistes et des ennemis du capitalisme, quel que soit leur peuple, leur religion, leur culture ou leur camp politique. Etre anti-communiste, anti-musulman, anti-Est, pro-américain ou atlantiste signifie aujourd’hui appartenir à l’autre camp. Cela signifie être du coté de l’actuel ordre mondial et de son oligarchie financière. Mais c’est illogique, parce que les mondialistes sont en train de détruire toutes les identités sauf au niveau individuel, et forger une alliance avec eux signifie donc trahir l’essence de sa propre identité culturelle.

Vis-à-vis de la gauche, le problème est différent. Elle est bonne lorsqu’elle s’oppose à l’ordre capitaliste, mais elle manque d’une dimension spirituelle. La gauche se présente habituellement comme une voie alternative à la modernisation, et en cela elle s’oppose aussi aux valeurs organiques, aux traditions et à la religion, exactement comme le libéralisme.

Je serais très heureux de voir des identitaires de gauche défendre la justice sociale tout en attaquant le capitalisme, et accepter la Tradition spirituelle tout en attaquant la modernité. Il n’y a qu’un seul ennemi : l’ordre capitaliste libéral mondial soutenu par l’hégémonie nord-américaine (qui est également dirigé  contre la véritable identité américaine).

Concernant le traditionalisme, celui-ci est habituellement défensif ou considéré comme tel. Nous devons rompre avec cette supposition et promouvoir un traditionalisme offensif. Nous devons attaquer (l’hyper)-modernité et faire exploser le statut quo, au nom du Retour. Je veux dire « offensif » de toutes les manières. Nous devons persévérer.

La politique est l’instrument de la modernité. Je pense que le néo-gramcisme est un outil important. Nous devons former un bloc historique de traditionalistes, aux cotés d’intellectuels organiques d’un type nouveau. Nous avons des chrétiens orthodoxes (et peut-être aussi d’autres types de chrétiens), des musulmans, des bouddhistes et des hindous qui rejettent tous la perspective de l’expansion mondiale du « heartland lockien » (selon l’expression de Kees van der Pijl). Nous devons l’attaquer tous ensemble, et non pas séparément. Et nous devons l’attaquer de toutes les manières possibles – chacun selon ses possibilités – physiquement, politiquement, et intellectuellement (…)

Il est temps d’être offensif.

Bientôt le monde va sombrer dans le chaos. Le système financier va s’effondrer. Le désordre, les conflits ethniques et sociaux éclateront partout. L’Europe est condamnée. L’Asie est dans la tempête. Des océans d’immigrants renverseront partout l’ordre établi. Le système actuel va s’effondrer et se désagréger.

Après cette période de transition, une dictature mondiale directe sera établie. Nous devons nous tenir prêts et commencer à organiser la résistance mondiale dès maintenant – un réseau planétaire de traditionalistes, de révolutionnaires conservateurs, d’heideggériens, les partisans de la Quatrième Théorie Politique et de la multipolarité, et les non-conformistes de toutes sortes – une sorte de Front Sacré au-delà de la droite et de la gauche, et utilisant des taxonomies politiques et idéologiques différentes et plus anciennes. Les trois autres théories politiques ont été déphasées par la modernité, et aussi par l’histoire conventionnelle et acceptée. Nous sommes en train d’entrer dans un territoire absolument nouveau, et nos ennemis aussi.

Chaque traditionaliste devrait se poser les questions suivantes :

1. Pourquoi me suis-je rangé du coté de la Tradition et contre la modernité ?

2. Quelle est la réalité qui me fait ce que je suis, dans son essence ? De qui l’ai-je reçue ?

3. Ma vocation de traditionaliste est-elle le résultat de mon héritage socioculturel (société, famille et culture) ou est-elle le résultat d’un autre facteur ?

4. Comment peut-on, au milieu de la modernité et de la postmodernité, se différencier de celles-ci ?

5. De quelle manière puis-je causer de véritables dommages au monde moderne autour de moi ? (en d’autres mots, comment puis-je efficacement combattre contre le Diable ?)

La Quatrième Théorie Politique lutte pour la cause de tous les peuples, mais elle n’est pas faite pour le peuple [= les masses]. Elle est un appel à l’élite intellectuelle de chaque société humaine, et rejette l’hégémonie dans tous ses aspects (philosophique, social et politique). Cette fois, le peuple ne peut pas nous aider. Cette fois, nous devons aider le peuple.

Ce qui s’oppose à nous est aussi une élite intellectuelle, mais c’est une élite hégémonique. Toute sa puissance matérielle n’est qu’une illusion et un fantasme : ce qui compte vraiment, ce sont ses textes, ses discours et ses mots. Sa force réside dans sa pensée. Et c’est au niveau de la pensée que nous devons combattre, et finalement vaincre. Tout ce qui est matériel et qui s’oppose à nous n’est en fait qu’une simple privation. Seule la pensée existe vraiment.

Il est facile de manipuler les masses, beaucoup plus facile que de persuader le petit nombre. La quantité est l’ennemie de la qualité – plus elle l’est, plus c’est pire. L’élite capitaliste pense différemment. Cette erreur sera fatale. Pour elle. Et nous allons le prouver.

Nous avons besoin d’un Front ouvert et non-dogmatique qui soit au-delà de la droite et de la gauche.

Nous nous sommes préparés depuis longtemps au moment décisif qui approche. Mais maintenant, finalement, il n’est plus très éloigné dans le futur.

Nous allons changer le cours de l’histoire. Aujourd’hui, il est sur une très mauvaise voie.

Nous ne pourrons vaincre qu’en combinant nos efforts.