Origines de la bande de guerrier germanique

[1]

Ludwig Fahrenkrog, « La chasse sauvage »

3,731 words

Dans le premier volume de TYR, j’ai examinés quelques aspects du rôle de Woden dans le panthéon germanique. Dans le présent article je souhaite examiner non tant ce qu’est Woden, mais plutôt comment il apparut [1].

C’est un truisme de dire que la nature d’une divinité est un reflet des espoirs et des craintes de ses adorateurs. Les sociétés qui ont des ressources alimentaires incertaines mettent l’accent sur l’abondance dans leurs cultes ; ceux qui vivent près de la mer soulignent les qualités nourricières et destructives de ce phénomène. Les communautés vivant dans des régions propices aux infections ou à la peste reflètent ces aspects dans leur vie religieuse. Dieu est créé à l’image de l’homme.

En gardant cela à l’esprit, il est utile d’examiner ce que le culte de Woden peut nous dire sur l’histoire précoce de ses pratiquants. De même, là où l’archéologie ou la linguistique peuvent jeter un peu de lumière sur l’histoire précoce, cela peut aider à expliquer certains détails de la pratique cultuelle.

Nous devons commencer par regarder vers Tacite, qui dit concernant les tribus de la Germanie du premier siècle de l’ère chrétienne que les rois étaient choisis pour leur noblesse, alors que les chefs de guerre étaient choisis pour leurs aptitudes : « Ils commandent parce qu’ils sont admirés s’ils sont fougueux, s’ils attirent les regards, s’ils combattent au premier rang » [2]. Tacite trouvait remarquable que lorsqu’ils partaient à la guerre, ils emmenaient avec eux leurs mères, leurs femmes et leurs enfants, afin de gagner de la renommée devant leurs proches lors de la bataille. Les femmes sondaient et soignaient leurs blessures, et leur offraient de la nourriture et des encouragements. Le cours de la bataille, dit-il, était parfois inversé par ces femmes qui rappelaient à leurs hommes les horreurs qui pourraient leur arriver si la victoire n’était pas obtenue.

Les formations militaires présentées dans le récit de Tacite sont les armées « nationales » de tribus entières, pas les petites bandes guerrières avec un seul chef des temps historiques ultérieurs. L’exactitude de sa description est partiellement confirmée par le récit du chef germanique – et plus tard prince rebelle – Julius Civilis, qui dit qu’aux chants de guerre de ses hommes se mêlaient les cris de leurs mères, sœurs, veuves, et enfants. Dans le contexte de la société tribale germanique, ce sont les femmes du groupe qui faisaient l’éloge des meilleurs et qui jetaient la honte sur les tire-au-flanc et les lâches. Ce devoir d’attribuer l’éloge et le blâme donnait aux femmes le droit de parler dans la salle d’assemblée, d’offrir leurs conseils, et de donner leur avis.

La bande guerrière germanique de l’Age de Fer n’était pas un groupement uniquement masculin, mais une structure complexe basée sur l’interaction entre le chef, sa femme, les officiers de sa maison, et ses partisans. Par exemple, quand le roi Masyos des Semnons se rendit à Rome en 91-92 de l’ère chrétienne, son parti incluait une certaine Ganna, une voyante qui conseillait régulièrement le roi. Les spécialistes sont divisés sur la signification du passage en question. Certains l’ont vu comme un embellissement littéraire, destiné à souligner les différences entre la Germanie barbare et la civilisation romaine. D’autres l’ont traité comme une déclaration d’opinion commune, et cette dernière approche semble être appuyée par le fait que les femmes germaniques étaient parfois regardées comme des voyantes, qu’elles agissaient dans le domaine politique, et qu’elles avaient une certaine influence (sinon le contrôle) sur les bandes de guerriers.

Michael Enright suggère que la jeune fille bructère [bructerii] Veleda, dont les pouvoirs de voyance étaient légendaires à l’époque de Tacite, était manipulée par le chef rebelle Julius Civilis, et que les prophéties qu’elle faisait étaient basées sur ses stratégies militaires et politiques [3]. Pour l’approcher, il fallait obligatoirement passer par un parent à elle, une situation qui laisse suspecter que les messages livrés par elle auraient pu être influencés par cet intermédiaire. Les rois sacrés germaniques étaient généralement chargés d’interpréter les augures, ainsi que les hennissements des chevaux sacrés [4], et donc l’idée d’un accès restreint à de telles informations n’était pas nouvelle.

Le nom germanique pour la « bande guerrière », ou groupe de partisans armés, est le nom reconstruit *druhtiz, donnant dryht ou driht en vieil-anglais, avec des échos dans la plupart des plus anciennes langues germaniques. Ces mots sont tous basés sur le verbe *dreugan, qui apparaît en vieil-anglais sous la forme de dreogan, « souffrir, subir une expérience », alors que son reflet gothique driugan signifie « accomplir un service militaire ». La première attestation de druht en Occident se trouve dans la Lex Salica franque (vers l’an 500), où il désigne apparemment la procession de mariage et, spécifiquement, le passage de la mariée parmi un groupe de jeunes hommes lorsqu’elle vient de sa maison paternelle et se rend dans celle du marié. On en a déduit que le sens originel de *dreug- concernait l’« escorte armée de la mariée » et qu’à partir de ce sens, deux développements ont eu lieu. D’abord, druht finit par désigner un groupe armé de jeunes hommes (sans notion d’occasion festive). Ensuite, une série de dérivatifs comme le vieil-anglais dream, « plaisir, distraction, agrément », conserva l’aspect festif de la signification mais exclut la dimension militaire.

Un dérivatif de dryht en vieil-anglais est indrihtu qui signifie normalement « honneur, gloire » mais qui a pu originellement signifier « magie de croissance », basé sur la notion de la dryht comme un groupe cultuel associé à la fertilité. Les dérivatifs associés de *druhtiz en vieil-anglais incluent dryhtealdor qui est synonyme de paranymphus, « un qui amène la mariée à son époux » – mais la très grande majorité de ces mots mettent davantage l’accent sur des traits militaires ; par exemple dryhtguma peut signifier « témoin de mariage », mais signifie généralement « guerrier dans une bande guerrière ». Les origines rituelles probables de cet usage sont suggérées par l’association de la bande guerrière avec la procession de mariage.

Il faut se souvenir que l’armée tribale germanique était composée de groupes familiaux  [kindreds] ou « clans », groupes d’hommes qui combattaient aux cotés de leurs parents, qui étaient aussi leurs voisins dans de nombreux cas [5]. Les chefs de ces groupes étaient connus sous le nom de kindins en gothique et de cyning en vieil-anglais, tous deux dérivant de *kuni, « parents, groupe familial ». Ce qui est remarquable dans la gedriht ou « bande guerrière », c’est qu’elle transcendait les structures familiales. Il est possible que quand la gedriht cessa d’être une association principalement rituelle et se transforma en association principalement militaire, elle ait conservé le seul nom natif pour un groupe armé recruté à partir de nombreux groupes familiaux, celui de la « procession de mariage ».

L’apparition du « chef » et de sa « bande guerrière » (le dux et son comitatus) fut causée par le contact avec le monde méditerranéen. La guerre à petite échelle de l’Age du Bronze de l’Europe du Nord fut transformée par la cruauté militaire des Romains et d’autres, dont le but était de capturer des esclaves valides pour leurs marchés intérieurs. Se défendre contre ces ennemis signifiait que les styles de combat traditionnels étaient transformés, et les chefs de guerre victorieux pouvaient gagner beaucoup de respect, de richesse et de prestige. Sans doute, avec le temps, les groupes armés qui s’étaient rassemblés pour protéger les leurs contre les Etats méditerranéens ont pu tourner leurs techniques et technologies adoptées vers de nouveaux objectifs, et participer au règlement de vieux comptes. A mesure que le dux gagnait en importance, le rôle du roi traditionnel (le rex de Tacite) fut réduit, et devint finalement largement symbolique.

De même, avec l’apparition de nouvelles structures de pouvoir, une nouvelle divinité arriva au premier plan : le dieu dont le nom *Wodhenaz donna naissance au vieil-anglais Woden et au vieux-norrois Odhinn. La racine de ce nom est *wodh, qui veut dire « colère », « folie », et aussi « poésie » et « chant ». En vieil-irlandais, la même racine donne naissance au mot faith, « poète », et le mot latin vates, « voyant », lui est aussi associé. L’idée essentielle est la folie comme « possession extatique » par un dieu, donnant naissance à la fureur du combat, ainsi qu’à la divination et à la clairvoyance.

Dans le contexte des noces tout comme de la bande guerrière, il y a une structure parallèle : « seigneur » / « époux » comme mâle dominant, « dame » / « mariée » comme femelle dominante, et « bande guerrière » / « parti de noces » comme rassemblement. Le contexte évoque aussi des idées de transfert d’un groupe familial à un autre, et de la réunion de plusieurs groupes dans une relation de parenté temporaire ou fictive. La cérémonie célébrait et marquait le transfert d’un parti (la mariée et ses suivants) dans le groupe familial et social de son époux ; c’était un rite de passage. L’entrée dans la nouvelle maisonnée était marquée par une cérémonie – impliquant souvent les armes de l’époux et une libation commune de bière.

Dans une autre série de parallèles noces/bande guerrière, les rites accompagnant l’entrée d’une mariée dans sa nouvelle maisonnée adoptive se reflètent dans ceux accomplis pour un guerrier entrant dans la maisonnée de son seigneur, sa dryht et sa « halle ». L’entrant était « adopté » comme parent fictif du seigneur, entrait dans sa sibbegedriht, « bandes de parents », et se trouvait dès lors dans la même relation avec le seigneur qu’un fils aurait avec son père dans une maisonnée normale, basée sur la parenté. Logiquement, ses camarades étaient alors ses frères d’armes et ils formaient une sorte de famille de substitution. Le lien était établi quand le chef remettait ses armes au nouveau-venu. Ce rite reflétait le rite de passage normal, par lequel un jeune homme devenait un homme complet et recevait ses armes des mains de son père ou d’un parent proche. Dans un rite de clôture, les membres du groupe buvaient tour à tour de la boisson forte dans la même corne, dans un acte d’affirmation de leur nouvelle relation.

L’association forte et étroite de femmes libres avec des accords par la libation et le serment se trouve dans la littérature anglaise, allemande et scandinave depuis les temps les plus anciens jusqu’au Moyen Age. Habituellement, lorsqu’une annonce solennelle ou importante devait être faite, elle était rendue plus puissante (ou sacrée) en étant accompagnée d’une boisson servie formellement par une femme. Il y a des raisons de croire que la cérémonie de fiançailles elle-même pouvait impliquer le versement et l’offre par la mariée d’une coupe de boisson forte au marié : son acceptation et son absorption de la boisson signifiait son acceptation de la mariée comme épouse. L’offrande de la coupe semblait alors indiquer le passage d’un accord, entre le seigneur et le fidèle ou entre la jeune fille et l’homme. De plus, l’admission d’un membre dans la bande guerrière était parallèle à la cérémonie de mariage dans les détails, car dans les deux cas le chef de la maisonnée acceptait un nouveau membre fictif de la famille – la mariée comme fille fictive et le guerrier comme fils fictif. La position du chef comme chef de la maisonnée donnait une légitimité à son autorité sur les autres : l’autorité de celui qui distribue les biens sur ceux qui les reçoivent.

En dépit de la structure théoriquement « plate » du comitatus, dans la réalité la bande guerrière a dû être toujours fortement stratifiée. Si les membres du groupe s’appelaient entre eux wine, « ami », cela s’étendait aussi au chef (par ex. goldwine, « or-ami », etc.) et suggère que le rang était très soigneusement délimité. Concernant le comitatus germanique du premier siècle de l’ère chrétienne, Tacite dit spécifiquement qu’il contenait une variété de rangs qui étaient déterminés selon les désirs du chef. La combinaison de boisson forte et de guerriers armés conduisait sans doute à des bagarres, à de l’effusion de sang, et à des meurtres. Il semble probable que les guerriers rivalisaient les uns avec les autres pour une position proche du seigneur, et que toute l’occasion était lourdement chargée, et même politisée.

Regardant plus loin que la bande guerrière germanique historique, Kris Kershaw a proposé une possibilité alternative pour les origines de la structure basée-sur-le-chef de la druht et le dieu patron, *Wodhanaz. Commençant par l’étroite association de l’Odhinn nordique avec la force militaire destructive appelée here en vieil-anglais et herr en vieux-norrois, il remarque  le nom dérivé odinique herjan, qui semble signifier « seigneur de la herr ». Cela suggère la question : qu’était donc la herr ?

L’original germanique du vieil-anglais here et du vieux-haut-allemand herr est *harjaz (du proto-indo-européen *koryos), un mot signifiant « un groupe de jeunes guerriers », qui apparaît dans quelques noms tribaux celtiques (Tricorii, Petrucorii, avec trois et quatre de ces groupes, respectivement). Dans la mythologie nordique, les champions spécifiques d’Odhinn sont connus sous le nom de Einherjar, « guerriers sélectionnés/choisis », également basé sur la même racine que herr. Ils chevauchaient traditionnellement avec le dieu à travers le ciel nocturne, dans la Chasse Sauvage, une cavalcade de guerriers et de chasseurs spectraux vue dans toute l’Europe du Nord, depuis la France et l’Angleterre à la Scandinavie. Les détails varient selon le lieu et l’époque, mais le Cavalier Fantomatique originel était le dieu *Wodhanaz.

On a reconnu depuis longtemps que ces histoires reflétaient des souvenirs de processions cultuelles réelles qui avaient lieu jadis, associées au culte du dieu. De plus, le chef de la procession était une figure connue sous le nom de Herlaking (qui devint finalement l’Arlequin des débuts du théâtre moderne). Une explication du nom le relie à *harja-kuning, « roi de la *harjaz », et considère la *harjaz comme un groupement cultuel plutôt que comme un arrangement spécifiquement militaire.

Une ancienne référence anglaise à une telle procession se trouve dans la Chronique anglo-saxonne de l’an 1127 :

« Que personne ne trouve étrange ce que nous disons véridiquement, puisqu’il était bien connu dans tout le pays que dès qu’il [l’Abbé Henry] arriva ici – c’était le dimanche quand on chante l’Exurge quare O.D. – alors peu après beaucoup d’hommes virent et entendirent de nombreux chasseurs en train de chasser. Les chasseurs étaient noirs et gros et laids, et leurs chiens tous noirs avec de gros yeux et laids, et ils montaient des chevaux noirs et des boucs noirs. Cela fut même vu dans le bois aux cerfs dans le domaine de Peterborough et dans tous les bois qui s’étendaient de ce même domaine jusqu’à Stamford, et les moines entendaient le son des cors dans lesquels ils soufflaient la nuit. Des hommes dignes de foi qui veillaient la nuit ont dit ceci : qu’il leur semblait qu’il y avait peut-être bien vingt ou trente sonneurs de cor. » [6]

Tacite parle d’un peuple germanique appelé les Harii (évidemment le pluriel de *harjaz) qui étaient connus pour leur destructivité, noircissant leurs corps, et combattant la nuit. Cela est peut-être une mauvaise compréhension de sa part concernant la nature du groupe. A un autre endroit il note la coutume permettant à certains guerriers consacrés et très féroces de la tribu des Chatti d’adopter un style de vie privilégié parmi les fermages. Ces hommes ne possédaient aucun bien, à part les armes et un collier qui marquait leur statut. Ils laissaient pousser leurs cheveux comme marque de distinction, alors que normalement les jeunes gens coupaient leurs cheveux après leur première rencontre militaire victorieuse. Ces hommes étaient en-dehors des règles normales de la société, et combattaient dans une transe extatique, se ruant sauvagement sur l’ennemi – un peu comme des jeunes hommes non-entrainés pouvaient le faire, avec un grand enthousiasme mais peu de prudence ou de retenue.

De plus, Kershaw voit la *harjaz comme identique aux fantassins que Tacite [7] décrit comme combattant dans une formation en coin, alors que les troupes montées se plaçaient à l’arrière. A part la valeur tactique d’une unité d’infanterie solide et déterminée, il se peut qu’ils combattaient à pied parce qu’ils n’avaient pas les moyens – étant jeunes et encore sans terres – d’acheter ou d’entretenir un cheval. Les troupes montées plus riches étaient les *thjodho, un mot qui désigne le peuple dans son ensemble, les hommes libres.

Il se peut que la *harjaz – ou plutôt son prédécesseur, la *koryos – était un groupe cultuel dans les temps historiques, mais originellement son but était très différent : une « classe d’âge », un rassemblement de mâles pubescents venant d’une seule communauté et ayant atteint le stade de la maturité physique où ils doivent mériter le statut d’adultes. Ce processus impliquait une période de séparation d’avec les amis, la famille et la communauté ; une période de vie à la dure dans les bois ou dans la nature sauvage, acceptant l’hospitalité là où on la leur proposait, ou prenant du ravitaillement (en particulier de la nourriture et des boissons fortes) de force si nécessaire. Sous la tutelle d’un ancien, ils apprenaient à survivre en chassant et en fourrageant, tout cela furtivement. Ils adoptaient des personnalités animales, portaient des peaux, et développaient des stratégies de chasse basées sur le comportement animal. Parfois, ils mangeaient le cœur et buvaient le sang des bêtes qu’ils souhaitaient imiter.

Dans cet état liminal entre la jeunesse et l’âge d’homme, les membres de la*koryos étaient  techniquement (et légalement) en-dehors de la famille et de ses obligations. Ils vivaient et se comportaient comme des individus libres non sujets aux restrictions traditionnelles de la vie à l’intérieur de la communauté. Dans cet état consistant à être associés à leurs groupes familiaux mais sans en faire partie structurellement (n’étant ni de jeunes garçons ni des hommes faits), ils avaient un statut rituel proche de celui des « ancêtres ». Ils se peignaient ou se noircissaient ou se masquaient et se vêtaient de peaux pour déguiser leur apparence individuelle, et prenaient ainsi un rôle rituel ou symbolique des « ancêtres revenus parmi les vivants » [8]. Dans ce rôle, on leur accordait de grands honneurs et l’hospitalité lors de fêtes et de processions religieuses comportant des danses avec des armes et des chants. Le retour des ancêtres apportait avec lui des bienfaits et la prospérité pour la communauté.

La danse prolongée était aussi un moyen de provoquer un état de transe extatique. Tacite [9] décrit des jeunes Germains se livrant à des danses de la lance, et des plaques de casques du VIIe siècle de l’ère chrétienne trouvées à Torslunda en Suède décrivent des hommes dansant avec des lances, alors que le casque de Sutton Hoo présente aussi des plaques montrant des porteurs d’épée et de lance dans une pose contorsionnée suggérant la danse. Les danses de l’épée sont relativement bien attestée dans toute l’Europe du Nord, et peuvent refléter un vague souvenir de la tradition. Souvent, l’arme est remplacée par une baguette de bois inoffensive qui est utilisée pour relier les danseurs dans une chaîne ondulante sans fin [10].

Kershaw voit aussi le guerrier consacré comme une « personne sacrée » (ver sacrum) dont la fonction est de conduire sa bande *koryos en exil loin des terres tribales et de trouver un nouveau site d’établissement. En tant que fondateur, le ver sacrum était capable de constituer une nouvelle société pour son groupe. Ceci est allégué pour expliquer les nombreuses références aux loups, aux ours, aux chevaux et aux chiens dans la tradition onomastique germanique – l’esprit de l’animal gardien est tenu pour responsable du nouveau groupe, et est rappelé par le nom du groupe.

Qu’est-ce que Woden vient faire dans tout cela ? Le groupe de jeunes gens était sous la tutelle d’un ancien dont la fonction était de diriger et de protéger les garçons, mais aussi de les exposer à diverses formes de danger, d’une manière structurée et progressive. Odhinn avec ses Einherjar est le dernier vestige mal compris de l’ancien de la tribu avec ses jeunes hommes, la *koryos.

Notes

[1] Cet article est basé sur une recherche entreprise pour mon livre The Mead-Hall: Feasting in Anglo-Saxon England (Norfolk: Anglo-Saxon Books, 2003).

[2] Tacite, Germania, trans. James B. Rives (Oxford: OUP, 1999), chap. 7.

[3] Michael J. Enright, Lady With A Mead Cup: Ritual, Prophecy and Lordship in the European Warband from La Tène to the Viking Age (Dublin: Four Courts Press, 1996), pp. 61-68. Enright voit l’activité de prophétie comme un procédé utile pour garder les fortes têtes sous contrôle, en leur disant que les augures étaient contre un engagement militaire. Dans les tribus où aucun roi ou chef militaire n’avait le droit absolu de commander, il fallut trouver d’autres moyens d’atteindre des buts à long terme sans provoquer de défis internes. La valeur de propagande d’une prophétesse était grande, et son utilité était renforcée si ses prophéties pouvaient être influencées pour ordonner quelque chose. Il y a aussi l’aspect moral de l’approbation surnaturelle supposée, qui est facilement sous-estimée mais qui devait être un facteur important dans les temps reculés quand les guerres étaient faites au corps à corps.

[4] Germania, chap. 10.

[5] Germania, chap. 7.

[6] D’après le manuscrit de Laud, texte « E », dans Charles Plummer, Two of the Saxon Chronicles Parallel (Oxford: OUP, 1952).

[7] Ibid., chap. 6.

[8] Les guerriers des Chatti mentionnés ci-dessus étaient remarquables non pour leur entrée dans cette phase, mais pour leur refus d’en sortir. Ils conservaient les signes extérieurs des excès de l’adolescence durant leurs années adultes, et payaient de leur vie leur refus d’adopter un statut pleinement viril dans leur communauté. Kershaw suggère que d’autres tribus connurent le même phénomène, et que cela est démontré par l’iconographie relativement commune de danseurs avec des armes dans l’art germanique. Les bersekar et d’autres groupes guerriers consacrés sont un résidu historique de cela.

[9] Germania, chap. 24.

[10] Des danses de ce genre font partie de la tradition anglaise Morris ; certains noircissent encore leur visage, un lien de plus avec la *koryos, rationnalisée comme une description d’un Maure.

Sources non spécifiquement citées dans les Notes

Green, D.H. Language and History in the Early Germanic World (Cambridge: CUP, 1998).

Haymes, Alan. “Anglo-Saxon Kinship”, in Widhowinde 116 (1998), pp. 15-27.

Hedeager, Lotte. Iron-Age Societies: From Tribe to State in Northern Europe, 500 B.C. to A.D. 700 (Oxford: Blackwell, 1992).

Kershaw, Kris. The One-Eyed God: Odin and the (Indo-)Germanic Männerbünde, JIES monograph n° 36 (Washington, D.C.; Institute for the Study of Man, 2000).