Abir Taha, L’Epopée d’Arya

[1]2,192 words

English original here [2]

Abir Taha
THE EPIC OF ARYA: In Search of the Sacred Light [3]
[L’Epopée d’Arya : A la recherche de la Lumière Sacrée.]
Milton Keynes: AuthorHouse, 2009

Dans le roman philosophique d’Abir Taha, Arya est une déesse incarnée dans une forme humaine. Née dans le Kali Yuga, le plus obscur âge du monde, elle est un symbole de l’étincelle divine (âtman) qui réside dans chaque humain. Pendant qu’elle lutte pour surmonter son humanité, spécialement sa féminité, le lecteur reçoit un aperçu du processus alchimique intérieur qui peut transformer les hommes en dieux.

Arya rencontre plusieurs guides durant son voyage, et visite un certain nombre de villes qui sont des exemples de l’avidité, de la superficialité et de la dégénérescence qui définissent le Kali Yuga. Un village contient des gens qui adorent la lune – ce qui est souvent considéré comme une indication de société non-traditionnelle exaltant le principe féminin au-dessus du masculin, et de gens qui suivent la voie des ancêtres plutôt que la voie solaire des dieux. Arya trouve cependant un esprit parent – un vieil homme qui est un adorateur du Soleil. Durant leur conversation, elle commence à comprendre qu’il existe un groupe secret d’êtres éveillés, ce qui rappelle les chefs secrets décrits dans le livre de Karl von Eckartshausen, The Cloud Upon the Sanctuary, les légendes de la Grande Fraternité Blanche, ou les Maîtres Cachés de Madame Blavatsky.

Arya ne trouve pas d’oreilles réceptives pour son message de liberté, de vérité et de responsabilité, et le reste de l’Epopée relate la quête d’Arya pour trouver Hyperborée, où la Race des Maîtres est née.

Elle les conseils d’un prophète, qui tente de la convaincre que la grande race nordique n’existe plus. Malgré ses plaidoyers, elle continue sa quête, pour découvrir finalement qu’il avait raison. Elle traverse « une ville lugubre, surpeuplée et bruyante, grouillante de gens courant dans tous les sens d’une manière chaotique, des atomes solitaires innombrables suivant des chemins séparés, inconscients de l’enfer gris dans lequel ils vivaient » (p. 241). La ville est considérée comme la fierté et l’envie du monde, mais pour les sens raffinés d’Arya elle contient seulement « le son assourdissant du chaos des sens et l’insupportable bruit de l’avidité » (p. 241).

Après avoir rencontré plusieurs autres personnages, incluant un Tchandala (un intouchable dans le système hindou des castes) et un chevalier, elle rencontre le Roi du Monde, le souverain du pays sacré de Shambala. Il lui donne les clés pour se dépasser et trouver le royaume perdu depuis longtemps : « Shambala n’existe que pour ceux qui vivent la glorieuse Unité de l’Etre, et elle n’est visible que pour ceux qui voient au-delà de ce que voient les yeux aveugles des humains » (p. 342), faisant écho aux paroles de Pindare dans sa Dixième Pythique : « Ni sur terre ni sur mer tu ne trouveras la voie qui mène aux Hyperboréens ».

Les idées contenues dans Arya sont les mêmes que celles qu’on trouve dans les écrits des traditionnalistes, de la Nouvelle Droite, et de l’ésotérisme occidental : l’aristocratie, la race à venir, le surhomme, Hyperborée, Ultima Thulé, et les rois philosophes. Taha a écrit deux livres sur des thèmes similaires : Le dieu à venir de Nietzsche, ou la rédemption du divin (Paris : Éditions Connaissances et Savoirs, 2005) [présenté par Michael O’Meara ici [4]], et Nietzsche, Prophet of Nazism: The Cult of the Superman — Unveiling the Nazi Secret Doctrine [5] (Bloomington, Indiana: AuthorHouse, 2005).

En fait, la meilleure façon de lire l’Epopée de Taha est de la considérer comme un nouveau Zarathoustra, l’intrigue servant plus de moyen pour exprimer sa Weltanschauung plutôt que de procédé littéraire. Les dialogues d’Arya font écho à ceux de Zarathoustra (Taha utilise même le mantra « Ainsi parlait »), et de Krishna et Arjuna dans la Bhagavad-Gita. Ce roman rempli d’idées vient du cœur, et il est évident que Taha est honnête dans la préface lorsqu’elle dit que l’histoire a été écrite avec son sang et ses larmes, car les idées contenues dans cette « bible spirituelle » sont profondes. Ceux qui sont familiarisés avec les doctrines traditionnalistes pourront trouver que certaines sections sont trop répétitives, certains concepts étant répétés plusieurs fois avec des mots différents. Mais les lecteurs qui découvrent la pensée traditionnaliste apprécieront l’accent mis sur des idées inhabituelles comme l’anti-égalitarisme et l’anti-modernité.

Parce que L’Epopée d’Arya est celle d’une déesse, les femmes pourront trouver l’histoire particulièrement attrayante car elles s’identifieront plus à des sections qui décrivent la lutte d’Arya pour dépasser l’amour humain et parvenir au divin. Quelques sections parlent de la découverte de la déesse intérieure, mais cela peut également s’appliquer à la découverte du dieu intérieur, et les vrais chercheurs de sagesse verront plus loin que de telles nuances et trouveront des perles de sagesse.

Le Kali Yuga : l’Age du Vice

L’Epopée d’Arya se déroule dans le Kali Yuga, le dernier âge dans le cycle hindou des âges (qui correspond à peu près aux âges décrits par Hésiode dans Les travaux et les jours). Durant l’Age d’Or, les hommes et les dieux vivaient ensemble sur la terre. Dans le Kali Yuga (ou Age Sombre), l’humanité est la plus éloignée de Dieu et la plus décadente spirituellement. Cet âge est gouverné par le démon Kali, une manifestation négative du dieu Vishnou. Le Kali Yuga est décrit dans le Vishnou Purana comme une période où l’habit brahmanique fait le brahmane ; où l’agriculture est abandonnée en faveur de la mécanisation ; où la Terre est honorée pour ses trésors minéraux et est exploitée ; où il n’y a plus de lien transcendant dans des sacrements comme le mariage ; où les hommes ne pensent qu’à l’argent ; et où les femmes sont égoïstes. Comme le dit Arya : « Durant l’Age d’Or, avant le salmigondis du règne de la foule, des races et des classes mélangées en un maelstrom infernal, il y avait une race divine sur terre » (p. 182).

Le fait d’être née dans un tel monde est déchirant pour Arya – elle est seule et sans âme sœur. Même lorsqu’elle arrive dans une ville vantée par les masses, Arya est dégoûtée :

« Vous vous qualifiez de ‘civilisés’, mais votre civilisation est celle de l’accumulation et de la médiocrité même si elle porte la bannière de la justice et de l’égalité, une fausse civilisation qui enterre toutes les aspirations supérieures sous la boue stagnante du matérialisme, et qui noie toute volonté d’élévation dans les eaux troubles de la dégénérescence. » (p. 257)

La méritocratie comme Aristocratie Véritable

Un autre thème majeur d’Arya est celle des hiérarchies, par opposition à l’égalitarisme prévalent dans le monde d’aujourd’hui. L’Epopée d’Arya n’exalte pas une aristocratie basée sur le sang ou les biens matériels, mais une méritocratie comme celle décrite par Platon dans La République.

L’aristocratie héréditaire a même encore moins de sens dans le Kali Yuga que dans d’autres temps, puisqu’il apporte une dégénérescence des formes qui ne permet pas aux Traditions de se transmettre par le sang, car « La vraie supériorité est rarement héritée » (p. 209). Arya est intéressante en partie à cause des nombreuses descriptions données de ce qui est vraiment noble :

Race de l’Esprit

L’Epopée d’Arya exprime un concept de race similaire à celui de Julius Evola, Oswald Spengler, et Francis Parker Yockey – la notion de race de l’esprit. Arya n’en vient pas facilement à cette vue, cependant : pendant la plus grande partie du livre elle est obsédée par la recherche de ses vrais fils, appartenant aussi à sa race qui vient du Nord. Lorsqu’elle découvre finalement la ville qu’elle désirait, cependant, les gens y sont aussi grossiers, matérialistes et avides que ceux de tout autre lieu. Les liens familiaux et raciaux ont perdu leurs liens transcendants, et les hommes qu’elle découvre sont simplement les « fils indignes que chaque mère a » (p. 199).

D’après la doctrine des Yugas, durant l’Age d’Or, la race était une indication de la qualité intérieure. Une personne était formée à partir d’une substance qui représentait sa vraie nature. Ainsi, un corps beau révélait une belle âme et un noble caractère, et les âmes mâle et femelle formaient des parties complémentaires. C’est l’opposé du présent Age Sombre, où la plupart des hommes ne possèdent plus la vraie virilité et où la classe dirigeante est composée de parias qui souillent la terre sacrée.

En plus de ne pas être applicable au Kali Yuga, la doctrine biologique de la race est aussi un obstacle à l’illumination. Arya s’entend dire :

« Ne t’attache à aucune nation, aucune tribu, et aucune croyance, ce ne sont que des chaînes d’asservissement à ce qui est limité et transitoire. Comment pourrais-tu considérer une nation comme la tienne, toi dont l’âme se trouve avec les dieux ? Comment pourrais-tu embrasser une seule croyance, alors que la Vérité est la source de toutes les croyances ? » (p. 374)

Non seulement la vision biologique et déterministe de la race est invalide dans le Kali Yuga, mais elle est aussi désapprouvée par la nature même utilisée pour l’appuyer. L’Epopée illustre ce point quand Arya s’entend dire :

« Combien de fleurs magnifiques contiennent le poison le plus mortel ! Combien de vers se trouvent dans les plus belles pommes ! Ne t’attache pas beaucoup à la forme, Arya, car elle est trompeuse… et bien que l’esprit modèle la forme, pourtant la forme n’est pas l’esprit ! » (p. 108)

Le discours sur la race commente aussi la notion de peuple élu : « La religion Eternelle n’a pas de terre sainte ni de peuple élu » (p. 33), et plus loin : « Il n’y a pas de peuple élu, sauf ceux qui se sont élus eux-mêmes » (p. 116). Arya déclare aussi sur Yahvé, le Dieu de la Bible hébraïque :

« Que ce dieu du désert reste loin de moi, loin de nous les vrais élus –, nous qui avons choisi Pan et non Yahvé –, car ses tribus perdues sont condamnées à errer sans but sur la terre à la recherche d’une promesse qui n’a jamais existé » … « C’est la malédiction des dieux : ceux qui s’éloignent de la Voie Intérieure ne se sentiront jamais chez eux et ne trouveront jamais la paix, bien qu’ils pourront parcourir la terre à la recherche de leur âme perdue ; le désert demeure leur seul foyer » (p. 38)

Si la race n’est pas déterminée par le sang ou le sol, la question surgit naturellement de savoir comment une race de l’esprit pourrait être définie. L’Epopée d’Arya donne aussi une réponse à cette question :

« Une race est une fraternité spirituelle de sang et d’honneur ; elle est définie par le rêve qu’elle partage, la vérité qu’elle vénère et pour laquelle elle combat, le dieu qu’elle adore… et seulement celui ou celle qui partage ma vérité et croit en mon dieu, je l’appelle frère ou sœur, fils ou fille, car le sang signifie peu s’il n’est pas au service de l’âme. » (p. 50)

Le troupeau et le Surhomme

Un autre concept nietzschéen dans Arya est le Surhomme. Dans Zarathoustra, Nietzsche écrivit : « L’homme est quelque chose qui doit être dépassé ». On dit à Arya qu’il n’existe plus de races, seulement des maîtres et des esclaves, des hommes-dieux et des sous-hommes. Certains ont besoin d’un dieu « devant lequel vous pouvez tous être esclaves – mais des esclaves égaux » (p. 67). Ce sont les gens qui s’accomplissent seulement par leur esclavage (p. 67).

L’idée nietzschéenne de former un pont apparaît aussi dans Arya : « C’est pourquoi l’Homme Supérieur, ce dieu en devenir, demeure prisonnier entre le ciel et la terre – alors que les hommes sont prisonniers entre la terre et l’enfer » (p. 115). Arya apprend finalement qu’elle devrait se concentrer non pas à combler le gouffre entre elle-même et l’herbe, mais à combler le gouffre entre l’humain et le divin.

Le dur sort des hommes-dieux, alors, est de supporter l’agonie de l’humanité tout en demeurant divins en esprit :

« Choisir les froids dangers de la nature sauvage pure et innocente au lieu du chaud confort des terres désolées, souillées et décadentes de la civilisation ; car là où les troupeaux vivent, là tu trouveras les terres désolées et les déserts de l’esprit ; et là où aucun homme n’a posé le pied, là l’air reste pur et non-souillé, et un rayon d’espoir brille à l’horizon d’un lendemain meilleur » (p. 139).

L’Epopée d’Arya est un tel rayon d’espoir, un lien avec le transcendant pour aider à guider l’humanité à travers la fin du Kali Yuga, jusqu’à l’établissement une fois de plus de l’Age d’Or.